Jour II & III
Jour II
La soirée débute au Laughing Buddha avec le spectacle de Cindy Doire. Bien équipée avec ses synthétiseurs et un bass drum électronique, elle présente un pop planant aux séquences entrainantes, sons rêveurs, et mélodies veloutées. Elle est accompagnée de Greg Cockerill à la guitare, qui occupe bien cet espace sonore avec son timbre compressé et des interventions musicales bien placées.
En chemin pour le gros show au théâtre, Yonatan Gat nous surprend au dôme géodésique, en quatuor avec son batteur et deux membres des Eastern Medicine Singers. Après quelques problèmes avec le courant, il s’approche dans la foule et interprète une danse gesticulante qui semble résoudre le problème, comme par magie.
J’ai l’impression d’être en pèlerinage. Mes pas sont déterminés et imperturbables, comme un croyant qui arrive près de la rivière sacrée. Les portes du Grand s’ouvrent par elle même et la musique commence.
Hubert Lenoir déclenche des vagues sonores assez gigantesques avec son band de malade, et commande l’attention de la foule tout au long du spectacle. “Chut ! Chut !” Il arrive à faire taire la salle au complet, et on observe quelques secondes de silence avant qu’ils reclenchent l’affaire, pour de vrai.
E.S.G arrive avec une énergie différente et rafraichissante. Impossible d’arrêter de sourire ou de bouger. Leur blend légendaire de bass and drum minimaliste no wave trace une ligne directe au système nerveux central, comme si on allumait une barre d’alimentation connectée à trois boules de disco, un strobe, une machine à vapeur et des tresses de lumières de noël multicolore. Let’s dance.
Au Townehouse, je suis complètement surpris par le spectacle superbe de Camilla Sparksss. Cette femme originaire de Kenora en Ontario manipule ses beats sur des platines et n’a pas peur d’assumer all the way dans son interprétation vocale. Une musique sincère et exploratrice qui est manifestement le fruit d’une recherche sonore approfondit.
FET.NAT termine la soirée avec brio. C’est un groupe qui ne cesse d’épater, qui parle autant au nerdo musical qu’au danceaholic. Armé de pancartes absurdes comme “Poule mange poule” et “Trust CopsTM”, le quatuor gatinois atteint un équilibre funambulesque entre la précision et le feel, entre la structure et le free, entre le beau et le brun.
Jour III
Le matin, je me réveille d’un coup, avec un pressentiment. Je check mon téléphone et je remarque que la tournée mystère décolle dans quelques minutes à peine. Le Up Here en moi est en ébullition, et me tire vers cette aventure promettante. Par d’heureuses circonstances, on arrive à suivre l’autobus en Westfalia et on relax mon dude, avec du David Bowie “Young Americans” qui crunch comme y faut dans le vieux système de son.
Pendant la tournée, je découvre l’artiste hip-hop Naya Ali. “Let’s take a moment to enjoy this.” Sous la grande cheminée à Copper Cliff, elle remarque qu’ici, entouré d’arbre et de bonne compagnie, on devrait prendre quelques minutes pour célébrer la vie, et elle espère nous donner le contexte pour le faire avec sa musique. C’est coup réussi, même si je verse une petite larme pour le gros symbole industriel derrière elle qui fumera bientôt son dernier paquet.
On débarque au centre-ville juste à temps pour le spectacle de Telecolor à La Fromagerie. Le groupe instrumental sudburois est en préparatifs pour le studio à la fin du mois et nous présentent certaines de leurs nouvelles chansons. Le travail harmonique et rythmique sur ses pistes impressionne, et donne le goût de suivre cette prochaine étape de près.
Pendant l’après-midi, je tombe dans un genre de vortex inéluctable Up Hereien et des visions floues et hors contexte m’ensorcèlent avec des phrases comme “Beaver Fever,” “Own the dome,” et “Tout est dans tout.” Quand je reprends à peu près mes sens, je suis devant le duo Milk & Bone au vieux théâtre, dans un monde dream pop qui se distingue surtout pour la précision des voix et le choix intéressant d’harmonies.
La soirée se termine encore une fois au Townehouse avec le spectacle des Breastfeeders, un groupe garage pop time machine reconnue pour leur présence scénique intense et énergétique. Les allaiteurs ne prennent aucun prisonnier ce soir, en tambourinant, en déchirant des solos de guitare, et en déclenchant des moments de gang vocal frénétiques.
Je prends quelques moments pour capturer une image mentale de tout le beau monde qui m’entoure, qui crient, qui gigotent, qui depuis vendredi soir se font transfigurés par la musique et je me sens très reconnaissant pour ces quelques jours enchantés, bizarres si tu veux, mais qui sont avant tout marqués par une passion généreuse pour l’art. À l’an prochain Up Here !